Le terme « jumeau numérique » est aujourd’hui omniprésent, car il peut s’appliquer à de nombreuses situations. Selon la définition de Wikipédia, il s’agit d’un « modèle numérique d’un produit, système ou processus physique servant de contrepartie numérique pour la simulation, l’intégration, les tests, la surveillance et la maintenance ».

Cette définition résume bien le concept, mais elle pourrait tout aussi bien s’appliquer à n’importe quelle donnée numérique utilisée pour prendre des décisions — un horaire ferroviaire, par exemple, ou l’alerte de ma voiture indiquant qu’il est temps de faire la révision.

Ce qui distingue véritablement un jumeau numérique d’un simple jeu de données, c’est sa mise à jour continue (ou son « actualité »). Un jumeau numérique représente la performance en temps réel d’un objet — généralement un actif physique. Sans cette information actualisée, on n’a pas affaire à un jumeau numérique, mais à un certificat de naissance numérique. L’actif ne se comporte plus comme au moment de sa création, et il serait irréaliste de supposer qu’il n’a pas évolué.

Traditionnellement, cette vision en temps réel est obtenue en ajoutant des informations issues de capteurs aux données existantes. Cette approche a d’abord été développée pour les missions de la NASA ou la Formule 1, où les décisions doivent être prises rapidement — non pas sur la base de la performance théorique d’un objet, mais sur la performance réelle après des dizaines de tours de piste.
Par la suite, cette technique a été appliquée à la gestion d’actifs et d’infrastructures : réseaux d’eau, routes, ponts, etc. L’objectif était de mieux comprendre la performance réelle d’un réseau à un instant donné, en mesurant par exemple le débit d’eau, le trafic routier ou les vibrations d’un pont.

Ces systèmes sont ce que j’appelle des jumeaux numériques à haute fréquence : les mesures et mises à jour se produisent très rapidement, à une cadence bien supérieure à la durée de vie de l’actif observé.
Mais à mesure que l’on est passé de la surveillance d’un véhicule ou d’un bâtiment isolé à celle de réseaux, de villes entières, voire de pays, le concept de jumeau numérique a permis de modéliser de multiples aspects des villes intelligentes et de la société :
- Comment se déroule le trajet quotidien des habitants ?
- Quelles zones d’une ville seront les plus touchées par les inondations ?
- Que se passera-t-il sur le réseau électrique à 11 h un jour ensoleillé, lorsque tout le monde recharge sa voiture électrique à partir de panneaux solaires ?

Ces questions à grande échelle nécessitent non seulement des données sur les actifs d’un réseau, mais aussi des données issues de l’ensemble de l’environnement bâti et naturel national.

Les agences nationales de cartographie et les ministères voient leurs données utilisées non plus seulement pour la cartographie ou l’urbanisme local, mais aussi pour des simulations de jumeaux numériques à l’échelle nationale.

Beaucoup de ces cas d’usage fonctionnent mieux lorsque les données spatiales sont disponibles sous forme 3D, structurée, propre et à jour.

De nombreuses agences se concentrent donc sur la création et surtout la maintenance de ces ensembles de données 3D nationales, où chaque objet 3D peut être considéré comme le jumeau numérique de son équivalent réel.
Les données d’observation de la Terre et les scans LIDAR fournissent des informations brutes pour accélérer cette maintenance, mais ces données doivent être traitées et structurées pour devenir exploitables.

Si les données sont constamment mises à jour, on peut alors parler d'un jumeau numérique « à faible fréquence », où l'importance du changement réside dans la présence et la taille des bâtiments. Il suffit donc de le mettre à jour à une fréquence similaire à celle du cycle de vie de ces actifs. Si vous simulez une inondation, vous avez seulement besoin de connaître la présence et la forme du bâtiment.

En revanche, lorsqu’on y ajoute des données issues de capteurs et d’autres réseaux, ce jumeau à basse fréquence alimente aussi un jumeau à haute fréquence, où des lectures en temps réel permettent de suivre le trafic, la consommation électrique ou les niveaux d’eau, offrant ainsi une vision précise de la performance d’une ville ou d’un pays.

Chez 1Spatial, de nombreux projets concernent ce type de données.
Certains utilisent explicitement le terme jumeau numérique, d’autres non :
par exemple, l’Agence Nationale de Cartographie du Danemark construit un jeu de données 3D des bâtiments considéré comme un jumeau numérique, et nous l’aidons à mesurer et améliorer la qualité de ces données.
Les premiers cas d’usage des jumeaux numériques nationaux de bâtiments concernent souvent l’évaluation foncière, la fiscalité et l’usage des sols : la taille d’un bâtiment, la vue qu’il offre, son exposition au soleil peuvent influencer sa valeur ; son usage — commercial ou résidentiel — affecte les impôts.
Un jeu de données 3D précis aide donc à calculer ces valeurs et à détecter les erreurs ou injustices fiscales.

Par la suite, ce sont les changements apportés aux bâtiments qui génèrent le plus de valeur :
un étage ajouté, une extension, un changement d’usage entre commerce et habitation — autant d’éléments qui influencent la valeur, la fiscalité et les simulations environnementales (inondations, vents, etc.).
Chez 1Spatial, nous aidons nos clients à détecter ces changements puis à automatiser leur impact sur les processus en aval (par exemple, l’application correcte des taux d’imposition).

Certains projets ne parlent pas explicitement de jumeaux numériques mais en ont les mêmes effets.
Le National Underground Asset Register (NUAR) du Royaume-Uni, par exemple, permet grâce aux outils de 1Spatial aux propriétaires d’infrastructures de maintenir leurs données à jour.

NUAR peut être considéré comme un jumeau numérique souterrain : initialement conçu pour sécuriser les travaux de creusement, le gouvernement souhaite aujourd’hui l’utiliser à des fins plus larges.

Les données sur les réseaux enterrés constituent un jumeau à basse fréquence, mais combinées à des données de capteurs (performances, trafic, météo…), elles peuvent devenir un jumeau à haute fréquence.
Dans les deux cas, la clé reste la mise à jour continue des données pour soutenir l’analyse et la prise de décision.

Enfin, nous constatons un intérêt croissant d’autres gouvernements pour la création de jumeaux numériques 3D d’infrastructures souterraines, et même sous-marines, compte tenu de l’importance stratégique des câbles sous-marins.

En résumé :
Les jumeaux numériques peuvent reposer sur des données à haute ou basse fréquence, mais leur valeur dépend de la mise à jour constante des données, et leur viabilité de l’automatisation maximale de ce processus.

.